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King Asoka and Buddhism par Anuradha Seneviratna (en anglais).
"Il est impossible d’avoir une paix véritable et durable en brandissant la peur". Vénérable Walpola Rahula (1906-1997)
Docteur en philosophie et directeur de l’université de Kelaniya, au Sri-Lanka, le Vénérable Walpola Rahula (1906-1997) a vécu vingt cinq ans en France où il a enseigné le Dharma. Sa prodigieuse érudition, tant dans la langue pâlie que dans le canon orthodoxe, lui a valu de recevoir le titre de Agamaha Pandita, la plus haute distinction en Birmanie.
Le Bouddhisme est fondé sur la grande compassion, mahakaruna et la grande sagesse, mahâ pannâ. En termes généraux, la compassion signifie l’amour, la générosité, la gentillesse, la pitié et la tolérance ainsi que d’autres émotions ou qualités nobles. La sagesse représente le coté intellectuel, la faculté de voir les choses telles qu’elles sont ou encore les qualités de l’esprit. Afin d’être parfait nous avons besoin de développer les deux pareillement.
L’enseignement du Bouddha est fondé sur le vaste concept de l’amour et de la compassion universelle envers tous les êtres vivants et c’est de là que découle le comportement éthique des bouddhistes que cela soit dans le domaine social, économique ou politique. Il est regrettable que de nombreux érudits oublient ce grand idéal de l’enseignement du Bouddha et s’adonnent à des analyses philosophiques et métaphysiques qui restent très abstraites quand ils parlent et écrivent sur le bouddhisme. Le Bouddha a enseigné pour le bien et le bonheur de tous, par compassion pour le monde. Dans le comportement éthique qui se base sur l’amour et la compassion est inclus le juste moyen d’existence. Cela signifie que l’on doit s’abstenir de gagner sa vie par une profession qui nuit aux autres comme : fabriquer et faire du commerce d’armes, de poisons mortels et autres armements. Il faut plutôt gagner sa vie dans une profession qui est honorable, sans fautes et qui ne nuit pas aux autres. Ici on voit très clairement que le bouddhisme est opposé à toute guerre, quand il est dit que le commerce avec des armes mortelles et du poison est un moyen vil et injuste de gagner sa vie.
Le bouddhisme estime que la vie est sacrée, la traiter avec la plus grande considération et le plus grand respect. Le premier précepte d’un bouddhiste est de s’abstenir de détruire la vie pas seulement la vie humaine, mais aussi la vie animale. « Tout le monde tremble à la vue d’armes, tous ont peur de la mort. En observant ce sentiment chez soi même on ne devrait ni tuer ni causer la mort car les autres ressentent la même peur que nous » dit le Bouddha dans le Dhammapada, vers 129. Des pensées d’amour et de compassion sont exprimées dans le discours sur l’amour universel. « puissent tous les êtres être heureux et en sécurité » en est le refrain.
Nous vivons aujourd’hui dans un monde qui connaît une peur, une suspicion et une tension constante. La science a produit des armes qui sont capables d’une destruction inimaginable. En brandissant ces instruments de mort, les grandes puissances se menacent et se défient mutuellement en se vantant sans honte que les leurs pourraient causer plus de destruction et de misère dans le monde que ceux des autres. Est-ce qu’ils ont encore toute leur raison ? Est-ce que leur comportement est différent de celui des fous ? Est-ce que les gens peuvent avoir du respect ou de la foi en ce genre de dirigeant ? Ils sont allés tellement loin dans cette démarche folle que s’ils ne font qu’un pas de plus, même par erreur, le résultat en sera une annihilation mutuelle en même temps que la destruction de l’humanité - un holocauste global inimaginable. Des êtres humains qui craignent la situation qu’ils ont eux mêmes créée veulent trouver une issue et cherchent toutes sortes de solutions. Mais il n’y en a pas à part celle prêchée par le Bouddha dans son message de non violence, de paix, d’amour et de compassion, de tolérance et de compréhension, de vérité et de sagesse, de respect et de considération pour la vie, de l’absence de haine, de haine et de cruauté.
Le Bouddha a déclaré « La haine ne s’apaise jamais par la haine dans ce monde. Elle est apaisée par l’amour. Cela est une loi éternelle. » (Dhammapada 5) « Nous devrions vaincre la colère par la gentillesse, la méchanceté par la bonté, l’avare par la générosité et le menteur par la vérité. » (Dhammapada 223).
Il ne peut y avoir de paix ou de bonheur pour l’homme aussi longtemps qu’il aura le désir et la volonté de conquérir et de dominer ses voisins. Comme dit le Bouddha : « Le conquérant provoque la haine et le perdant reste allongé dans sa misère. Celui qui renonce aussi bien à la défaite qu’à la victoire est heureux et paisible. » (Dhammapada 201). « La seule conquête qui apporte le bonheur et la paix est la conquête de soi-même. Même si ont conquiert mille fois mille hommes dans une bataille, seul celui qui se conquiert lui-même est le meilleur conquérant » (Dhammapada 103).
De l’individuel au collectif
Qu’est ce qu’une nation, sinon une vaste agglomération d’individus ? Une nation ou un Etat ne pense ni n’agit. C’est l’individu qui pense ou qui agit. Ce que l’individu pense et fait c’est ce que la nation pense et fait. Ce qui s’applique à l’individu s’applique à la nation ou à l’état. Si la haine ou l’amour peuvent être apaisés chez l’individu, ils peuvent aussi se concrétiser au niveau national ou international. Même pour une seule personne il faut énormément de courage, d’audace, de confiance et de force morale pour répondre à de la haine par de l’amour. N’en est-il pas de même pour les affaires nationales et internationales ?
L’empereur (Asoka) avait exprimé ses remords par l’expression « plus de Kalinga » et disait qu’il était très douloureux pour lui de penser au carnage qu’il avait provoqué. Il déclara publiquement qu’il n’allait plus jamais brandir ses armes, ni faire aucune conquête, mais au contraire qu’il souhaitait à tous les êtres la non-violence, le contrôle d’eux-mêmes, la pratique de la sérénité et de la douceur. Il considère que la conquête par la piété (dhamma vijaya) est la conquête suprême. Celle-ci est valable dans ce monde et dans le monde à venir. Cette révolution mentale et spirituelle était le résultat de sa conversion au bouddhisme.
Cela est le seul exemple dans l’histoire d’un conquérant qui était au sommet de sa gloire et de son pouvoir, qui avait encore la force de continuer ses conquêtes territoriales mais qui renonça à la guerre et à la violence et se tourna vers la paix et la non-violence.
Il y a ici une leçon pour le monde de nos jours. Le chef d’un empire a ici tourné le dos publiquement à la guerre et à la violence, et embrassé le message de la non-violence et de la paix, et créa le premier Etat socialiste de l’histoire à partir de son empire. Il n’y a pas de preuves historiques que d’autres rois, contemporains d’Asoka, aient pris avantage de sa piété pour l’attaquer militairement, ou bien qu’il y ait eu des révoltes ou des rebellions dans son empire durant sa vie. Au contraire la paix régnait dans tout le pays, et même des pays en dehors de son empire semblent avoir accepté son pouvoir. Des nations puissantes de nos jours sont fabuleusement riches et leur puissance militaire est incroyable. Mais moralement ils sont lamentablement pauvres et couards. Quel est leur accomplissement, sinon le pouvoir de pouvoir détruire l’humanité ? Avec toutes ces richesses et ces pouvoirs, pourraient-ils contribuer à la paix et au bonheur dans le monde, libérer de la peur et de la destruction ? Même s’ils ne sont pas fous, ils ont sûrement honte d’eux mêmes.
Il est ridicule de parler du désarmement partiel. On doit dire de façon catégorique que les grandes puissances qui parlent de désarmement sont sans coeur ni sincérité.
Il est stupide de parler du maintien de la paix par l’équilibre des puissances ou par la dissuasion nucléaire. Le pouvoir des armements ne peut produire que la peur, et non la paix. Il impossible d’avoir une paix véritable et durable en brandissant la peur. De celle-ci ne provient que la haine, la malveillance et l’hostilité, réprimée un certain temps peut-être, mais prête à resurgir à chaque instant. Une paix véritable et réelle ne peut exister que dans une atmosphère de mettâ, c’est à dire de bienveillance, loin de la peur, de la suspicion et du danger.
Octobre 2000